Les témoignages de la rencontre régionale

06/06/2022 | Actions/Évènements
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Cette année, la rencontre régionale du RCCNA mettait à l’honneur les sols. Cette thématique, très en lien avec nos enjeux organiques, a été centrale dans nos échanges et dans les témoignages recueillis d’acteurs du territoire mais aussi de grands témoins spécialement invités pour l’occasion.
Comme vous le verrez, certains témoignages nous poussent à explorer d’autres techniques que le compostage classique avec la traditionnelle montée en température du compost ! L’important est de penser circulaire et de viser un sol vivant qui stocke du carbone.

Une conférence de Blaise Leclerc

L’auteur de Les clés d’un sol vivant (aux éditions Terre vivante) était invité en plénière à nous parler des mécanismes qui font un sol vivant, et donc fertile.

Blaise Leclerc a notamment mis en évidence le lien entre la fertilité et la présence d’argile et de matière organique dans le sol. Les argiles ont une structure en mille-feuille, qui permet de stocker l’eau. Par ailleurs, l’argile augmente la capacité d’un sol à garder des éléments, c’est pour cela qu’on l’appelle le frigo du sol.

Entretenir la matière organique des sols, c’est entretenir les différentes propriétés des sols liées à la présence de différents types de matières organiques (vivantes ou non et à différents stades de décomposition). Les matières organiques jouent plusieurs rôles, notamment :
une rôle énergétique : elles apportent de nourriture à la mésofaune et à la macrofaune ;
un rôle physique : aération du sol grâce aux racines des plantes qui forment des tubes d’aération, résistance au compactage, augmentation de la réserve en eau, augmentation de la stabilité structurale.

Les argiles se lient très fortement aux matières organiques : quand un sol contient suffisamment de matières organiques, les argiles sont moins lessivées, elles peuvent ainsi rester en surface et être utiles à une bonne structure du sol. Mais qu’est-ce qui lie les argiles aux matières organiques pour former les fameux agrégats qui forment la structure de sol grumeleuse idéale ? Ce sont les “colles” générées par l’activité biologique de la faune du sol. C’est donc parce que le sol est plein d’organismes vivants qu’il a une si jolie texture grumeleuse et aérée, dans laquelle les racines s’épanouissent en ayant accès à l’oxygène.

Les témoignages en petits groupes ont ensuite permis des échanges très riches entre nos témoins et les participants à la rencontre :

Collecte à vélo et compostage local à Saint-Jean-de-Luz - Ciboure (64)

Collecte et Compost est une association qui propose de sensibiliser les professionnels à la réduction du gaspillage alimentaire et de collecter les restes de cuisine et de table qui n’auront pas pu être évités, auprès d’une quinzaine d’établissements de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure. La collecte se fait à vélo et les biodéchets font l'objet d’une mise en compostage localement. L’association a collecté 10 T/an de biodéchets, ce qui a conduit à générer 3 T de compost. Le compost est revendu en vrac ou en sachets. Merci à Matthieu Haslé pour ce témoignage obtenu à distance grâce aux moyens technologiques actuels !

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Retour au sol de la matière organique brute à la Ferme de Cagnolle

Nous avons eu la chance d’accueillir Benoît Le Baube pour un témoignage de son utilisation de la matière organique fraîche sur la ferme de Cagnolle, qui produit des semences, légumes, fruits et noix.

Son témoignage s’ouvre sur la mise en évidence d’un paradoxe : grâce à l’énergie du soleil, les plantes arrivent à capter le carbone de l’air pour le transformer en sucres afin de se nourrir elles-même et nourrir du même coup toute la vie terrestre. Pourtant, notre mode de production “conventionnel” des plantes émet actuellement du carbone, car lorsque qu’on travaille le sol, par exemple en labourant, on expose la matière organique des sols aux UV, ce qui va entraîner la minéralisation de la matière organique en dégageant du CO2. Ce travail du sol libère également le CO2 piégé dans le sol.

La ferme Cagnolle développe des itinéraires techniques qui utilisent de la matière organique brute : de grandes quantités de bois frais broyé, issu de la transformation du bois ou des bennes à végétaux des déchèteries, sont épandus sur les espaces de culture. Les itinéraires techniques employés utilisent le bâchage et la plantation en direct afin qu’une première culture s’épanouisse au printemps sur les parcelles dont les résidus de bois ont été déposés à l’automne précédent. Les racines des plantes sont dans le sol, on apporte la matière organique en surface : pas de faim d’azote du fait de l’itinéraire technique. Des couverts végétaux sont également plantés pour nourrir la vie biologique des sols.

Y-a-t’il une limite à l’apport de matière organique dans le sol ? Un programme de recherche est développé avec l’enseignant-chercheur Jean-Pierre Sarthou pour le savoir. Actuellement, l’état physico-chimique du sol, riche en matière organique, favorise la santé des plantes.

La montée en température du processus de compostage utilise du carbone : avec la même quantité de matière organique, on stocke deux fois plus de carbone dans le sol en apportant aux champs des matières organiques non compostées que si on les avait compostées au préalable.
En augmentant de 1% le taux de matière organique dans le sol, on a 40 T/ha d’humus supplémentaire, ce qui représente 20T/ha de carbone pur, soit 75T d’équivalent CO2. Benoît a donc calculé que du fait de ses pratiques qui ont permis d’augmenter de 7,4 % les matières organiques dans son sol depuis 12 ans, il a stocké plus de 500T d’équivalent CO2 sur ses terres. Un chiffre qui laisse songeur quant aux enjeux climatiques actuels !

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3 sites vitrines dans l’Agglomération d’Agen

Leïla Djebara de l’agglomération d’Agen a présenté le déploiement de 3 sites de compostage sur 3 communes : 2 en compostage partagé (notamment en pied d’immeuble) et un en lycée professionnel. Le compost produit est utilisé pour les espaces verts, les habitants, les jardins communaux. Ces 3 sites sont désormais des sites vitrines labellisés par le RCCNA !

Collecte en établissement et microplateforme de compostage à Marmande

Envi + est un atelier chantier d’insertion qui emploie 50 salariés en insertion et 10 encadrants.
En 2021, Envi + a lancé une activité de collecte des DCT (déchets de cuisine et de table) avec compostage sous forme de micro-plateforme de compostage en andain, avec l’appui technique de CISSO.
Le compostage est un outil qui va permettre de développer des compétences utiles sur le territoire : compétences de sensibilisation, de collecte, de valorisation par compostage.

4 profils sur cette activité : activité collecte (permis, caces, fimo), sensibilisation (bpjeps éducation à l’environnement, etc), parcours agroalimentaire (HACCP), guides et maîtres composteurs.

La micro-plateforme est installée sur une parcelle d’1 ha en zone agricole.
Le matériel de la plateforme : chariot andaineur et basculeur de bacs. L’objectif est de limiter les risques de troubles musculo-squelettiques pour les agents.
Pas encore d’agrément sanitaire donc pas encore de collecte. Pour le moment, les établissements scolaires viennent déposer sur la plateforme. Un binôme d’Envi + est chargé de la mise en compostage sur place.

A terme, la microplateforme est destinée à recevoir les DCT des établissements scolaires, des établissements médico-sociaux, des supermarchés.

Les tonnages mis en compostage :
8 T en année 1 (écoles + EHPAD)
89 T en année 2
Objectif : traiter entre 150 et 200 T de DCT /an.

Exutoire du compost :
Pour le moment, le compost est redistribué aux jardins pédagogiques des écoles. Lorsque l’agrément sanitaire aura été obtenu, un partenariat devrait être conclu avec le pôle agricole de Marmande.

Facturation de la collecte : 45 centimes le kg de DCT collecté et traité, avec une collecte journalière dans un rayon de 3 km..

Témoignage de Stéphane Gatti de l’association “Cultivons une terre vivante”

Stéphane Gatti est agriculteur bio en grandes cultures et agroforesterie.
L’association « Cultivons une terre vivante », basée à Laplume (47) collecte et utilise entre 600T et 800T de déchets verts par an pour recréer de l’humus en contexte agricole, stocker de la matière organique dans les sols, planter des arbres, des haies, etc.

L’association française d’agroforesterie et l’agence de l’eau Adour-Garonne ont formé le groupe Agr’eau : il s’agit d’un programme de développement de la couverture végétale en Adour-Garonne qui permet d’augmenter la fertilité et la capacité de rétention d’eau des terres agricoles. Si on multiplie par 2 la couverture du sol, on multiplie par 4 sa capacité de rétention d’eau !

L’association a également développé une récupération des DCT (déchets de cuisine et de table) des établissements scolaires sous forme de bokashi. Le principe est celui de la lacto-fermentation (comme pour la choucroute). On transforme la matière sans perte d’énergie.
Avec le compostage, on perd plus de la moitié de la masse et les deux tiers du carbone contenu initialement dans la matière. Avec le bokashi : on conserve la masse, on ne perd pas de carbone, on gagne un peu en azote (les champignons dégradent la matière puis meurent dans le conteneur).
La collecte s’effectue en “lacto bacs digesteurs” une fois par mois par l’agriculteur et nécessitera de sa part encore 6 semaines de plus de surveillance de la fermentation (il mesure régulièrement le PH qui sort du jus). Une fois fermenté, le contenu du bokashi pourrait être utilisé tel quel pour amender les espaces de culture, mais la réglementation ne permet actuellement pas un retour au sol sans hygiénisation (70°C).
Actuellement, on composte ces matières alors qu’on pourrait avoir un retour au sol en direct de ces matières sans perte de carbone.

Les composteurs électromécaniques de la régie de territoire de la Vallée du Lot

Cette association loi 1901 créée en 2003, emploie 77 salarié·e·s en insertion pour 19 encadrants et prévoit un accompagnement socio-professionnel des personnes.

Parmi les projets déployés par la Régie, la mise en compostage de biodéchets dans des composteurs électromécaniques, avec l’ambition de répondre à un besoin de détournement des biodéchets sur une grande partie du Lot et Garonne. Le projet a démarré avec une convention pour les 15 écoles de la communauté d’agglo du Grand Villeneuvois, ce qui a conduit ensuite à étendre la collecte à des collèges, EHPAD et restaurants, notamment en centre-ville. Ce dispositif a permis de développer fortement l’activité et de créer des postes. La régie collecte également 50 points d’apport volontaires de 130 Litres en zone urbaine dense. L'apport est continu dans les électro-composteurs car ces équipements sont mutualisés. Le projet a actuellement une capacité de 50 T/an, et a pour ambition de passer à 160 T/an avec un agrément sanitaire, à l’aide de plusieurs modèles d'électrocomposteurs dont 1 avec broyeur intégré en entrée. Le plus gros éléctrocomposteur a une capacité de 2T par semaine (Modèle D330 = 330L/jour).
En terme de processus de mise en compostage, les DCT sont mélangés avec du broyat de bois venant des prestations d’entretien d’espaces verts de la Régie. Les matières restent 2 semaines en machine à 70°C (avec enregistrement de la température) puis 8 semaines en maturation. Le compost est donc produit en 10 semaines, et normé NFU44-051.

Nous avons adoré contribuer à réduire le gaspillage alimentaire !

Nous étions dans la PG-Prox jusque dans l’assiette puisque le buffet de ces deux journées a été préparé par le Hang’Art, qui cuisine à 80 % avec des invendus de magasins ou de producteurs locaux. Les menus s’élaborent le matin même en fonction des denrées livrées sur site ! Le Hang’Art est un café-restaurant solidaire d’Agen, structuré en coopérative, qui fonctionne grâce à des bénévoles et à des travailleurs en insertion. Nous avons été ravis de faire appel au Hang’Art, avec qui nous partageons l’esprit de solidarité et l’envie de limiter au maximum le gaspillage alimentaire.
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