Pour une professionnalisation de la filière : un plaidoyer
01/12/2021 |
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Les auteurs de ce plaidoyer défendent l’intérêt de « faire filière » - à savoir se rencontrer, se connaître, et aider à l’émergement de nouveaux acteurs de la Prévention-Gestion de proximité des biodéchets sur tous nos territoires. Pour eux en effet, l’union fait la force : plus nous serons nombreux à porter ces thématiques et à les porter avec compétence et qualifications, plus nos objectifs et nos valeurs auront de chances de se concrétiser.
A l’heure où la thématique de valorisation séparée des biodéchets a le vent en poupe et apparaît comme génératrice de profits, nous, acteurs et actrices du Réseau Compost Citoyen, devons prouver que la Prévention-Gestion de proximité des biodéchets est une filière professionnelle dont les savoir-faire et les valeurs sont indispensables à une bonne gestion future de nos matières organiques, et de nos sols.
On vous laisse découvrir leurs arguments et leurs conseils...
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Réjouissons-nous, actrices de terrain du biodéchet, du compostage, des sols vivants, du retour au sol de la matière organique. Installatrices de composteurs, porteuses de projets aux vertus écologiques et sociales dont nous pourrions ici vanter les mérites avec légitimité, pertinence et conviction.
Réjouissons-nous, donc, car… nous sommes de plus en plus nombreuses. Nous, les personnes qui, venant de tous horizons, de tous les profils et de toutes générations, nous engageons chaque jour à apporter des pierres à l’édifice d’une filière aussi ambitieuse que prometteuse.
À l’heure de ce développement constatable, nous vous proposons ici quelques jalons garants de la construction désirable de notre filière de la Prévention-Gestion de Proximité des Biodéchets.
De longue haleine
Une filière n’est pas un effet d’aubaine. C’est l’aboutissement d’actions de prospection, de mises en commun, de structuration. Des heures et des heures de réflexion, des litres de café (ou de thé vert !), des claviers d’ordis usés jusqu’à la corde. Partout, depuis le début de ce nouveau millénaire. Pour restreindre ce partout, la filière de la P-GProx rassemblée dans le RCC national compte nombre d’acteurs ayant embarqué dans la fascination du cycle de la matière organique avant l’apparition du premier I-Phone (2007, pour mémoire) !
Un long cheminement, donc. Pavé d’incertitudes, forcément. Mais qui aura su convertir une intuition en constat :
sur le secteur du déchet, du biodéchet, on peut faire mieux, moins cher, plus écolo, plus… citoyen. Avec les aboutissements que l’on connaît, comme la reconnaissance des compétences professionnelles, le cadre réglementaire dédié, et donc l’émergence de moins en moins anecdotique de projets.
C’est ça, la création d’une nouvelle filière : la bascule d’une phase d’expérimentation vers une phase de pérennisation. Avec à la clé, pour le moins : une économie, un modèle écologique et des emplois.
Marché
S’il s’agit d’une longue marche, il s’agit également d’un marché. Ne nous cachons pas derrière nos brass’compost, la doxa économique de l’ancien monde a la peau dure ! Elle s’enracine dans un rapport à la compétition intriqué à nos manières d’être au monde, qui mettent nos bonnes volontés à rude épreuve.
Face à ce qui s’apparente donc à un réflexe conditionné, le développement d’une économie collaborative demande un apprivoisement, une réflexion, un sens de l’équilibre que les acteurs P-GProx ne croisent pas toujours lors de leurs parcours de formation antérieurs.
Économie circulaire, Responsabilité Sociétale des Entreprises, Économie Sociale et Solidaire sont pourtant
une facette essentielle des projets portés par nos structures, quand ces projets sont souvent rangés par nos partenaires dans la catégorie « environnement ».
Dans les syndicats de collecte et de traitement, principaux interlocuteurs parmi ces partenaires, le besoin croissant de nos compétences se fait - et se fera - sentir, dans un souci d’accompagnement efficace de l’usager vers des pratiques vertueuses.
Car si jusque là les acteurs industriels proposaient des solutions à des coûts supportés par la collectivité, on observe ici ou là une évolution de ces coûts contraignant ces EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) à subir des charges de plus en plus lourdes, en réponse aux contraintes législatives déjà en cours, sinon en vue
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Voilà donc le marché, brossé à grands traits : des services publics, travaillant de longue date avec des mastodontes ultra hiérarchisés, déterritorialisés et parfois en « abus de position dominante », commençant à prêter une oreille plus attentive aux solutions que nous portons, nourris de nos convictions. Choc des cultures ! D’autant que dans l’équilibre entre prévention et gestion des biodéchets, la prévention a bien du mal à tirer son épingle du jeu, côté investissement.
De quoi compléter le tableau des difficultés que nous rencontrons tous, peu ou prou, quand le discours promu à juste titre est que le meilleur des biodéchets est celui qu’on ne produit pas.
Si c’est gratuit, c’est vous le produit
Pour s’inscrire dans ce marché, donc, il convient d’avoir conscience des éléments évoqués plus haut pour arriver armés dans la présentation des solutions que l’on propose. Le fait de s’inscrire dans un marché implique une juste lecture des versants économiques pour défendre l’équilibre de sa structure. Si nos engagements, nourris de nos enthousiasmes, sont louables, nous donnant envie de donner ce qui pourrait (devrait ?) se vendre, ne nous y trompons pas :
la sécurisation des revenus du travail fourni est légitime.
Les nouveaux acteurs doivent l’avoir en tête : souvent égarés dans les contradictions d’un monde du travail féroce, de nombreuses personnes en quête de sens dans leur activité rejoignent la filière P-Gprox, pêchant par enthousiasme, négligeant cette nécessité. Il en va pourtant de l’intérêt de tous les acteurs, tant il est difficile de revenir sur des habitudes de bénévolat ou de gratuité.
Affirmons-le : tout travail mérite salaire. En dernier recours, un avantage en nature, une facturation symbolique pour une prestation future prometteuse… Mais ce petit quelque chose qui affirme la reconnaissance d’un travail, crédibilise les acteurs, et rend possible l’émergence d’une économie réelle.
Concurrence : le besoin des autres
Tordons également le cou à l’idée reçue selon laquelle l’arrivée de nouveaux acteurs dans la filière P-GProx serait pour les acteurs déjà en place une complication, une production de concurrence. Que nenni ! C’est en fait une véritable opportunité.
Le développement de l’offre entraînera naturellement une augmentation de la demande, pour plusieurs motifs. Outre l’afflux d’énergies et d’idées innovantes profitables à tous, c’est aussi une augmentation de la visibilité de la filière en général et de ses solutions, et un enrichissement des types de réponses proposées. Tout marché se segmente en fonction des objectifs cherchés par les clients : accompagnement très soigneux, haute qualité des équipements, ou au contraire prestations succinctes, prix privilégié… Il en faut pour toutes les bourses, et les territoires sont nombreux à rechercher des solutions taillées sur-mesure selon leur caractéristiques.
Pour répondre de manière cohérente à cette demande, engager le dialogue est une nécessité. Réponses concertées aux appels d’offre, vigilance à travailler dans une zone géographique compacte - la proximité n’est pas un vain mot !-, connaissances des prix pratiqués par les collègues, critiques constructives et ouverture d’esprit sur les process des autres structures…
Autant de réflexes à acquérir, sous peine de voir ressurgir les démons des temps anciens !
Pour conclure, gardons à l’esprit que
notre filière se développe parce qu’elle porte des valeurs dans lesquelles nous nous épanouissons. L’idée de participer à la création d’un monde plus respectueux de l’environnement, plus solidaire, plus humain… L’intégration de nouveaux arrivants ira de paire avec la montée en puissance des thèmes portés et développés par la P-Gprox, du compostage à la gestion différenciée. Autant de compétences appelant des projets économiques viables, solides et cohérents, aussi richement nourris de nos expériences professionnelles précédentes, que de celles des autres membres du réseau.
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La morale collective actuelle nous fait croire que l’important, c’est de l’emporter sur les autres, de lutter, de gagner. Nous sommes dans une société de compétition mais un gagnant est un fabricant de perdants. Il faut rebâtir une société humaine où la compétition sera éliminée. Je n’ai pas à être plus fort que l’autre. Je dois être plus fort moi grâce à l’autre. » professait Albert Jacquard. Dont acte.
Au Ras Du Sol, depuis Vélines (24)
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1 :
Cadre législatif et réglementaire consultable au lien suivant :
https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/dechets_chiffres_cles_edition_2020_010692.pdf